Saint DX (FR)

À l’opposé d’une époque où tout va trop vite, où il faut produire en permanence, Saint DX opte pour une autre approche n’obéissant à aucun agenda, si ce n’est le sien, foncièrement lié à ses troubles intérieurs, à ses recherches sonores, à ses réflexions personnelles. Tout dans Late en atteste : on pourrait pour cela souligner qu’il a fallu 35 ans à Aurélien Hamm pour enregistrer son premier véritable album, oscillant entre refrains pop et inclinaisons R&B, arrangements downtempo et love-songs synthétiques. On pourrait aussi souligner la volonté de ne rien précipiter, de prendre le temps de penser chaque détail d’un disque débuté en 2021 à Bruxelles, au sein du mythique studio ICP, et poursuivi à domicile dans un appartement transformé en véritable lieu de réflexion. 

Cette dichotomie dans le processus créatif de l’album représente d’ailleurs particulièrement bien ce qui en fait la complexité, répondant à des dynamiques aussi opposées que complémentaires. On notera d’une part, l’effervescence des collaborations qui le composent, puisque Saint DX y invite notamment les belges Prinzly et Ponko, producteurs à ses côtés sur l’album ‘QALF’ de Damso, ou encore son ami et pianiste Paul Prier. D’autre part, l’importance de l’introspection, érigée en véritable voyage méditatif et solitaire, trouvant son sens dans les rituels et l’apaisement de soi. 

C’est que Saint DX est de ces artistes pour qui le résultat compte autant que le processus, s’abandonnant volontiers à l’improvisation, encourageant le lâcher-prise, privilégiant l’audace. Late en est le parfait reflet : c’est là le disque d’un artiste qui voit dans la création un moyen de perturber ses habitudes, l’album d’un compositeur fort d’une certaine expérience, en quête de sérénité et suffisamment à l’écoute de ses envies pour composer sans chercher à satisfaire de quelconques attentes. 

Les onze morceaux réunis sur Late dévoilent ainsi de nouvelles ambitions, la nécessité pour Saint DX de ne pas trahir ses sentiments. À l’écoute des titres « Way Back Home », « Jamais vu le jour » ou encore « Tout perdre », on sent en effet les heures passées à peser chaque détail ; et c’est cette minutie, traduisant la sensibilité de l’artiste, qui donne aux mots leur intensité. À l’écoute du premier single de l’album, l’imparable « Everyday », « écrit en pleine tempête personnelle » mais doté d’une pulsion rédemptrice dans l’interprétation, on perçoit aussi cette liberté créative qui a été rendue possible grâce à la mise en place de rituels à travers lesquels Saint DX a trouvé une forme d’accalmie. Une connexion rare avec son corps, ses émotions, assouvissant ainsi le besoin viscéral de se créer un équilibre de vie.

Late est l’album d’un homme qui se pose beaucoup de questions, qui a raison de se les poser et qui tente de trouver dans la littérature une autre manière de dompter le temps. Inspiré par les lectures de Carlo Rovelli et de Marcel Proust, dont La recherche… chacune des chansons qui compose cet album s’entend ainsi comme une énième variation sur un même thème qui accompagne Saint DX depuis désormais près d’une décennie : le temps qui passe, les doutes qu’il fait naître, la mélancolie qu’il engendre. Avec, comme fil rouge, une même réflexion, profondément intime, incitant Saint DX à accepter la dualité de ses morceaux, voire de ses pensées.

Sur des arrangements d’une grande délicatesse, Saint DX épanche son spleen, efface le souvenir d’une relation perdue (« Jamais vu le jour ») à la manière de Jim Carrey dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind, ou embrasse une forme de frénésie, comme sur « I Don’t Care », s’abandonnant à la fête, au lâcher-prise. Il s’agit aussi d’accepter ses contrastes, comme sur « Everyday » qui convoque le paradoxe au sein d’une mélodie accrocheuse, portée par une ritournelle synthétique parfaitement adaptée à ce texte prônant les bienfaits de la routine. 

Indéniablement, le compositeur et chanteur gagne ici en maîtrise, en confiance, mais aussi en capacité à synthétiser des idées aussi nombreuses que complexes en une poignée de pop-songs chantées en anglais ou en français : de celles qui provoquent le frisson, exposent leurs états d’âme, et imposent leur sérénité, leur romantisme, cette fragilité réconfortante qui rend l’univers de Saint DX si précieux.

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